En juillet 2021, la célèbre influenceuse Nabilla a été condamnée à verser 20 000 euros d’amende pour pratiques commerciales trompeuses. Sa faute ? Avoir assuré la promotion d’un site Internet spécialisé dans la vente et l’achat de Bitcoin, sans informer les internautes qu’il s’agissait d’une publicité rémunérée. Pour booster leurs ventes, les marques n’hésitent plus à faire appel à des influenceurs, suivis pour certains par des millions de followers. Facebook, Instagram ou TikTok sont ainsi devenus en quelques années des armes commerciales puissantes, souvent déterminantes dans la stratégie marketing des entreprises. Plus d’un milliard de personnes s’échangent en effet chaque jour des stories sur les seuls réseaux sociaux. Mais comment le droit français traite-t-il ces nouveaux papes du sponsoring ? Quel est le cadre juridique des influenceurs ? Réponses avec le cabinet d’avocats Touati La Motte Rouge.
Le terme « influenceur » est issu du vocabulaire du marketing. Personne physique, il s’agit le plus souvent d’un adulte. Le phénomène concerne cependant aussi les enfants et les adolescents.
En 2017, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) donne une définition précise de l’influenceur. Il s’agirait d’un « individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres, à une audience identifiée. ».
Dans un arrêt du 10 février 2021, la Cour d’appel de Paris définit à son tour l’influenceur : « une personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing ».
Par ailleurs, deux projets de loi récents proposent des définitions relativement similaires de l’influenceur :
« Une personne physique ou morale qui est présente sur une plateforme en ligne à titre professionnel ou non, en vue de partager des contenus exprimant son point de vue ou donnant des conseils susceptibles d’influencer les habitudes de consommation, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel. »
« Toute personne physique ou morale qui fait la promotion directement ou indirectement de produits, actes ou prestations contre rémunération, y compris lorsque celle-ci est constituée par des avantages en nature, de manière active sur les réseaux sociaux et qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique dispose d’une audience pouvant influencer la consommation du public. »
Pour identifier un influenceur, plusieurs critères sont donc à retenir :
En pratique, il existe plusieurs types d’influenceurs :
Bon à savoir : l’importance des réseaux sociaux pour les entreprises
En 2017, 69 % des Français consultaient déjà les réseaux au moins une fois par jour. Un chiffre bien plus élevé chez les jeunes entre 15 et 24 ans (84 %). Selon une autre enquête Ipsos de septembre 2021, 57 % des personnes interrogées déclaraient se connecter au moins une fois par jour à Facebook. Les femmes seraient plus tournées vers Pinterest (65%), Facebook (55%) ou Instagram (54%). Les hommes se retrouveraient plus facilement sur Twitch (73%), Tumblr (70%) et Reddit (69%).
Signalons, tout d’abord, que les partenariats entre les marques et les influenceurs sont protéiformes. Si certains (ils sont de moins en moins nombreux) proposent leurs services gratuitement, d’autres tournent des vidéos sponsorisées avec des obligations très strictes en matière visuelle. Ils signent alors de véritables contrats de mannequin au sens du Code du travail.
L’influenceur réalise une prestation de services visant à promouvoir un produit contre rémunération. Dans certains cas de figure, cette activité est présumée relever du droit du travail. C’est le cas lorsque :
À défaut, l’influenceur dispose d’un contrat de prestation de services indépendant. Il peut par exemple exercer dans le cadre d’un statut d’auto-entrepreneur d’entrepreneur individuel ou de société de perception de droits.
Dans tous les cas, la question de la qualification juridique de l’influenceur dépendra des dispositions prévues dans le contrat signé avec la marque.
Pour connaître avec certitude le statut juridique des influenceurs, sans doute sera-t-il nécessaire d’attendre le vote de la proposition de loi du 15 décembre 2022. Cette dernière vise, en effet, à encadrer cette activité. Elle propose, entre autres, de définir le statut légal de ces nouvelles stars du Web et des réseaux sociaux.
En l’absence de contrat type pour les influenceurs, certaines dispositions devront être rédigées avec précaution. À noter que l’existence d’un document écrit permet de sécuriser les relations contractuelles entre les parties. Il limite donc les risques de litiges. Il convient ainsi de prendre garde notamment aux clauses suivantes :
Nous avons conçu deux modèles de contrat pour vous protéger en fonction de votre situation :
Le législateur a pris conscience de la nécessité d’encadrer davantage les relations contractuelles des influenceurs. La proposition de loi du 15 novembre 2022 va justement dans ce sens. Elle prévoit ainsi l’obligation de mettre en place deux types de contrat :
Des sanctions pénales et administratives sont prévues en cas de manquement à ces obligations.
Il n’existe pas à l’heure actuelle de réglementation spécifique pour la promotion réalisée par les influenceurs. Ils restent cependant soumis aux dispositions générales sur le contenu publicitaire. Elles sont prévues par la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
L’article 20 prévoit notamment que «toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée.»
Par ailleurs, l’article 111-7 du Code de la consommation apporte des précisions. « Tout opérateur de plateforme en ligne doit délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur l’existence d’une relation contractuelle dès lors que cela influence sur le classement ou le référencement des contenus en ligne ».
Enfin, l’ARPP recommande la transparence pour tous les contenus à caractère commercial diffusés sur les réseaux sociaux.
Au regard de l’ensemble de ces dispositions, il ne fait donc aucun doute. Les influenceurs ont bien une obligation de transparence vis-à-vis des consommateurs. Il s’agit donc de :
Bon à savoir : les hashtags #ad et #sp ne sont pas considérés comme une information suffisante du caractère promotionnel d’un contenu.
À noter que ce point n’est souvent pas respecté par les influenceurs avec l’accord plus ou moins implicite des marques. Il donne donc des moyens de recours pour les consommateurs. Ils constituent également des bons arguments juridiques de contestation en cas de litiges entre influenceurs et marques.
Par ailleurs l’ARPP à édicté un certificat de l’Influenceur Responsable compte tenu de la volonté du marché de s’auto-réguler suite aux affaires BERDAH / BOOBA.
Encore une fois, la proposition de loi du 15 novembre 2022 devrait venir préciser l’arsenal législatif applicable en la matière. Elle prévoit, en effet, une obligation pour les influenceurs d’indiquer de façon claire et non équivoque leur partenariat avec les marques. La finalité publicitaire du contenu ne devrait donc faire aucun doute pour le consommateur. Là encore, la proposition prévoit des sanctions pénales et administratives en cas de manquement.
L’interdiction des pratiques définies aux articles L 121-2 à L121-4 du Code de la consommation s’applique également aux influenceurs. L’ article 20 de la LCEN indique en effet que l’obligation de transparence doit être mise en œuvre « sans préjudice des dispositions réprimant les pratiques commerciales trompeuses prévues à l’article L121-1 du Code de la consommation ». Les sanctions prévues par l’article L132-2 Code de la consommation sont par ailleurs très lourdes. Elles peuvent en effet atteindre 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Pour aller plus loin, la proposition de loi du 15 novembre 2022, pourrait imposer aux plateformes l’obligation d’installer un dispositif de signalement des pratiques interdites, agressives et trompeuses. Celui-ci est d’ailleurs évoqué par Henri La Motte Rouge dans un article du Point du 31 janvier 2023.
Bon à savoir : le respect de la loi Evin par les influenceurs
Lors de la promotion d’une boisson alcoolisée, ils doivent obligatoirement indiquer dans leur contenu la phrase suivante : « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ».
Le Code de la propriété intellectuelle protège notamment : « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination» (article L112-1).
L’influenceur ne peut donc pas utiliser sans autorisation les œuvres d’un tiers dans le cadre de son activité promotionnelle. À défaut, il encourt en effet des poursuites pour acte de contrefaçon.
L’influenceur doit impérativement s’abstenir de dénigrer un concurrent. Il ne doit pas non plus utiliser la réputation d’un autre influenceur pour promouvoir des produits et services. En effet, une telle pratique peut tomber sous le coup de l’article 1240 du Code civil. Considérée comme un acte de concurrence déloyale, elle engage la responsabilité de l’influenceur. Elle peut également engager la responsabilité de la marque qui a eu recours à ses services. L’influenceur peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son concurrent.
L’influenceur doit ainsi s’abstenir de :
Longtemps, de nombreux influenceurs sont parvenus à échapper à la loi. Cette époque semble bientôt révolue. Plusieurs parlementaires ont formulé des propositions. Leur but : encadrer l’activité des influenceurs et lutter contre les dérives.
Voici un rappel des différents textes en préparation.
Le premier date du 15 novembre 2022. Il vise à réguler les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur Internet. Il prévoit notamment :
Un moins plus tard, un deuxième texte est déposé. Cette fois, il s’agit de lutter contre les pratiques illicites des influenceurs en fournissant de nouveaux outils à l’administration pour agir. Cette proposition de loi impose également une nouvelle obligation aux fournisseurs de services de communication. Ils devront apposer, sur les comptes des influenceurs, un message indiquant les condamnations pour non‑respect du code de la consommation.
Le 27 décembre 2022, un député souhaite s’attaquer, cette fois-ci, aux dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Elles sont, en effet, très nombreuses. Citons, par exemple, la promotion de médicaments miracles contre le cancer ou les abus au compte personnel de formation. Le rédacteur propose notamment d’interdire la promotion de produits pharmaceutiques, de placements financiers ou encore d’actifs numériques.
Enfin, le 31 janvier 2023, un député dépose une nouvelle proposition de loi visant, elle aussi, à lutter contre les arnaques constatées dans le milieu des influenceurs.
D’autres lois en discussion devant les parlementaires pourraient renforcer le cadre juridique des influenceurs. C’est le cas notamment du texte visant à interdire la publicité pour les paris en ligne ou celui souhaitant garantir le droit à l’image des enfants.
Même si les réseaux sociaux semblent parfois conférer une certaine immunité, les influenceurs ne sont pas au-dessus des lois. Dans le cadre de leurs activités, ils se doivent de respecter l’ensemble des dispositions légales applicables (Code civil et Code pénal notamment). À ce jour, un trop grand nombre d’acteurs négligent cet aspect. Ils prennent alors le risque de poursuites et de sanctions majeures y compris sur le plan contractuel. Cela peut remettre en cause l’existence même de leur activité. C’est pourquoi, plus que jamais, il est indispensable d’être vigilant à vos contrats avec des influenceurs et à leurs pratiques. Si vous êtes vous-même influenceur, il est important de professionnaliser votre activité. Pour cela, un avocat expert de la promotion sur les réseaux sociaux doit vous accompagner.
Besoin de conseils ? Contactez sans tarder le cabinet Touati La Motte Rouge. Nous avocats vous accompagneront. Ils vous assistent dans la rédaction et la relecture minutieuse de vos contrats et dans le cadre de vos litiges influenceurs.